Quand Liban rencontre Liban

À Pontivy, où j’habite depuis janvier 2018, les lecteurs de l’hebdomadaire local ont découvert en 2021 comment ma rencontre avec Niko, dessinateur de presse et auteur de BD, a permis de lancer un projet de création qui associe une école primaire de Vannes et un lycée de ma ville.

« Je ne savais pas ce qu’est une BD »

Liban Douale

Ce projet, nous l’avons présenté à la presse le 31 décembre, histoire de mettre fin à une année difficile sur une note plus positive et porteuse d’espoir, une idée de Franck Baudouin, rédacteur en chef de Pontivy Journal.

Niko m’a fait la bonne surprise devant le journaliste de me présenter le personnage de BD dont je suis la version vivante.
Ce cadeau d’un artiste breton me touche au-delà de la ressemblance de mon sosie de papier.
31 décembre 2020 : trois ans jour pour jour après mon arrivée sur le sol français dans des conditions très difficiles, le froid glacial, la solitude, l’inconnu, l’impossibilité d’attraper une main tendue quand tout le monde fête le nouvel an dans un endroit bien chaud et animé.

Il n’y a pas si longtemps, bien que parti de ma brousse natale depuis 2015, je ne savais toujours pas ce qu’était une bande dessinée. Maintenant je comprends que c’est une façon très sympa de partager mon témoignage, de le rendre accessible à un grand nombre de personnes.

Cette fiction est directement inspirée par mon quotidien en Afrique, puis par ce que j’ai vécu sur la route de l’exil, avant de pouvoir démarrer une nouvelle vie en Bretagne, presque 5 ans après mon départ contraint de Somalie.

J’ai obtenu le statut de réfugié le 15 septembre 2020 et un premier contrat de travail le 1er décembre, alors oui, maintenant je peux enfin vivre une vie, ma vie.
Je peux enfin me choisir un chemin et décider de prendre racine, là où le destin, un jeune président et une administration m’ont conduit, comme si je n’étais qu’une graine poussée par le vent, sans objectif ni projet, sans véritable raison d’être au fond.

Le talent de Niko me permet à travers mon personnage de revivre en Somalie pour parler en bien de mon pays, de sa culture, de nos modes de vie si différents de ce à quoi j’ai dû m’adapter en Europe.
J’étais heureux là-bas et tranquille, je n’ai jamais respiré que l’air pur et mangé de la nourriture saine, bien fraîche ou carrément cueillie dans l’arbre.
Le lait de mes chamelles me manque terriblement.

S’il n’y avait pas pour gâcher ma jeunesse, mon avenir avec ma femme et mes deux enfants, la guerre civile et le terrorisme, je serais toujours ce jeune homme insouciant, prompt à faire rire les gens mais aussi très respecté parce que je suis le fils du Sage Soufi, ina cheik.

Je ne me voyais pas vivre ailleurs que dans cette communauté soufi, où nous ne manquions de rien, et dont le niveau de spiritualité est une nourriture pour l’âme qui ne se trouve pas facilement.

J’ai confié mon histoire, par bribes, pendant plus de deux ans à ma voisine, Françoise Ramel, alors élue à Pontivy et présidente d’une association qui accueille de jeunes chercheurs : TIMILIN, moudre nos idées ensembles.
Grâce à son travail bénévole, cette BD bénéficie de deux labels nationaux : celui de la Saison Africa 2020 et celui de BD 2020.

Niko a obtenu une bourse et sera rémunéré pour le temps passé dans son atelier ou avec les élèves. Quant à moi, j’aurai plaisir à découvrir comment cette BD va se concrétiser au fur et à mesure que nous franchirons des étapes, même si cela doit prendre un peu de temps.

Je réponds avec grand plaisir aux invitations qui arrivent déjà, alors que nous n’avons rien à montrer sur le papier. C’est plutôt un signe encourageant qu’une simple idée et ma parole suscitent autant d’intérêt.

Je vais dès le mois prochain rencontrer une classe de CE2 avec Niko pour réfléchir avec 12 enfants, qui sont des migrants comme moi, à cette histoire dessinée qui n’aura plus besoin de moi demain pour voyager.

Dans cette toute petite classe, nous serons donc 14 nationalités à travailler ensemble, en comptant Delphine, l’enseignante, Françoise et Niko !

Alors ce ne sera plus vraiment mon histoire, mais celle d’un Liban dont les paroles, les rires et les chansons sont écrites dans de drôles de bulles ! Et celle de tous ces enfants arrachés à leur terre, à leurs rêves, à leur culture.

Dans l’atelier de Niko, 31/12/2020, Pontivy

L’article de Pontivy Journal 

L’archive vidéo d’une rencontre peu commune

Sont partenaires de ce projet de création proposé par TIMILIN au Ministère de l’Education nationale, au Ministère de la Culture et au Centre national du livre : Radio Bro Gwened, Cartooning for peace, l’Ecole primaire L’Armorique de Vannes, le lycée Joseph Loth de Pontivy.

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